C'est certainement un ouvrage qui fera date : "Splendeurs et Misères de la RSE" est en effet un livre incontournable pour qui s'intéresse de près ou même de loin, au sujet.
La première partie, très pédagogique, remonte le fil de l'histoire pour nous amener à comprendre combien la RSE des débuts est bien éloignée de ce qu'elle est devenue aujourd'hui, y compris dans l'esprit, très inspiré à la base par la philosophie protestante. Il a fallu 30 ans d'incubation pour que la RSE porte une véritable ambition transformative de l'entreprise.
L'auteur nous rappelle surtout que La RSE, "dès l'origine, possède une double nature. Elle respecte les entreprises, elle reconnait et souvent valorise la figure du dirigeant mais elle traduit les exigences de groupes de pression, souvent relayés par l'ETAT, qui attendent que leurs intérêts soient pris en compte". Elle a suscité beaucoup d'espoirs, en particulier à partir des années 2000, de l'apparition du Global Compact, des ODD de l'ONU, etc. Elle s'est peu institutionnalisée, avec ses règles, ses labels, ses directives.
Mais ce sont surtout les obligations en matière extra-financières et de devoir de vigilance qui marquent un tournant, notamment en France et en Europe.
Et malgré tout ces avancées, force est de constater que le dérèglement climatique et les crises sociales et sociétales s'aggravent partout dans le monde. " La RSE a-t-elle été globalement à la hauteur des espoirs de ses fondateurs et surtout des attentes de la société ?". La question est posée et la réponse de l'auteur n'est pas forcément très positive...
Ce sont les parties les plus intéressantes de l'ouvrage, celle consacrées aux théories économiques dominantes, enfoncées dans un déni de réalité et de prospective ainsi que la place bien plus large et contraignante que devrait occuper le droit, afin de forcer (enfin!) les entreprises à changer réellement.
"En RSE, nous avons besoin du droit que prescrit et qui proscrit [...] il convient de renforcer les contraintes ... contrôles et sanctions en lien avec les trop nombreuses violations actuelles". Car en matière de RSE, on s'est trop longtemps satisfait d'un droit "mou" (soft law) basé sur le volontariat et la corégulation. Force est de constater les limites flagrantes de ce système.
Splendeurs et Misères de la RSE, de jacques IGALENS, aux éditions EMS, 2024