L'EAU

Chez Les Humains, on est fans de la collection Fake or Not des éditions TANA. Nous avons déjà traité dans nos chroniques certains de ces ouvrages hyper pédagogiques sur des thématiques centrales de la transformation nécessaire de notre monde comme la décroissance, l'agro-alimentaire et l'alimentation. Nous voulions aujourd'hui vous partager notre enthousiasme sur l'opus consacré à la question vitale de l'EAU, très bien écrit par Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue et consultante pour l'association pour une Hydrologie Régénérative.

Simple, pédagogue, très bien documenté, chiffré et illustré, l'ouvrage est à mettre entre toutes les mains ! L'auteure nous explique l'importance du grand cycle naturel de l'eau, à la fois fermé et infini... enfin avant que l'être humain le perturbe pour asservir l'eau douce. Car il nous en faut pour tout : boire bien sur mais surtout produire (de l'extraction des hydrocarbures à la production d'énergie, d'aliments, de la nourriture que nous consommons à tous els objets que nous utilisons).

Chaque jour, un français consomme 146 L d'eau en moyenne à la maison : 58.5 l pour se laver, 30.5l dans les toilettes, 26l pour la vaisselle et la cuisine, 10.5l pour l'arrosage, 19l pour laver le linge et seulement 1.5 l pour boire. Mais la véritable empreinte EAU d'un français est en fait de 4900l par jour  dont 37% est dû à notre consommation de viande, 14% nos achats de produits industriels, 13% la consommation de boissons, 10% de lait, 6% d'huiles, 5% de céréales, 3% de sucre, 3% de fruits et légumes. Un congolais a une empreinte nettement plus faible : 1500L/jour quand un Emirati atteint les 8600 L/jour !

Près des 3/4 de l'eau pompée en France alimente l'économie pour produire de l'énergie, des biens industriels et des produits alimentaires.

Alors pour faire fonctionner notre système économique, on pompe massivement et on rejette là où ça nous arrange, on détourne les cours d'eau, on endigue les rivières, on construit des barrages et des retenues, on bétonne des zones humides, on déforeste à tour de bras, on pollue, on modifie le climat...

Il est urgent de regarder l'eau douce autrement que commune ressource inépuisable (à peine 1% de l'eau douce es accessible aux humains), à contrôler et à utiliser à notre guise. Enjeu politique, la gestion de l'eau doit devenir collective et démocratique sous peine démultiplier les conflits d'usage, voire s'engager dans des guerres de l'eau.

 

L'EAU, collection FAKE OR NOT, TANA éditions, mai 2023

 

PORTRAIT DU PAUVRE EN HABIT DE VAURIEN

Un titre un rien provocateur pour cet ouvrage très bien documenté qui ressence toutes les croyances et contre-vérités des plus riches au sujet des plus pauvres, mais aussi de penseurs et autres intellectuels au fil des siècles. 

Il s'agit d'un ouvrage posthume, terminé par deux des proches de l'économiste Michel Husson, deux ans après son décès. 

Le livre poursuit trois objectifs : mettre au jour le fait que les théories économiques dominantes rendent les chômeurs et les pauvres responsables de leur sort et donc « dédouanent le mode d’organisation sociale » (p. 23) ; montrer « la permanence des constructions idéologiques et leur résurgence périodique, que l’on pourrait presque qualifier de cyclique » (p. 24) ; établir le lien entre cette « économie politique lugubre » (p. 255) et le darwinisme social qui a épousé les thèses de l’eugénisme.

Le lecteur se retrouve plongé dans la littérature remontant jusqu'au 18ème siècle et réalise comment les arguments encore avancés aujourd'hui, sont finalement cycliques et réapparaissent à chaque crispation de l'Histoire. Entre les théories d'un Jérémy Bentham en 1834 pour qui aider les pauvres conduite à les abandonner à leur oisiveté, ou encore les troublants échanges de Charles Darwin avec son cousin Francis Galton, père de l'eugénisme, et bien d'autres penseurs aux idées toxiques, voire ouvertement racistes.

Théories totalement fantasques, aussi néfastes que grossières direz-vous ?

Hélas, elles influencent encore aujourd'hui nombre de représentations sociétales mais aussi de politiques actuelles de l'emploi, des territoires, de la santé ou de l'économie en général. 

La lecture de ce livre ne nous donne pas forcément le moral (on s'en veut un peu de vous le conseiller en plein été) mais il est nécessaire si l'on veut comprendre les fondements irrationnels et mensongers de commentaires et initiatives actuelles bien mal inspirées.

Portrait du pauvre en habit de vaurien - MICHEL HUSSON - editions Page deux et syllapse - 2023.

 

 

 

POLITIQUES DE SOBRIETE

La sobriété : un mot qui émerge de plus en plus dans les media au gré de l'accroissement de la crise climatique. Pourtant, le terme ne cache pas les mêmes visions, croyances et réalités selon la personne qui le prononce. Car n'oublions pas le sens étymologique du terme : si on est sobre, sobrius, c’est qu’on n’est pas ivre, ebrius. C'est donc finalement de cette ivresse de l'abondance souvent appelée "progrès" que l'auteur nous parle ici.

Les premiers chapitres de l'ouvrage de Bruno Villaba, sociologue et spécialiste des politiques publiques environnementales, sont logiquement consacrés aux réflexions d'érudits - philosophes, économistes, chercheur en sciences sociale et même théologien- qui ont traité du sujet.

Plus récemment, l’idée de sobriété est un devenu un enjeu de lutte. Souvent envisagée comme un simple outil d’efficacité énergétique, elle est aussi le point d’appui d’une profonde remise en cause de la modernité industrielle. La sobriété est ainsi devenue un enjeu politique qui voit s'opposer deux référentiels : le premier voudrait produire toujours plus avec moins (solutionisme technologique), le second envisage plutôt un renoncement programmé à l'imaginaire de l'abondance, au travers de mesures démocratiquement négociées.

"Les discours officiels sur la sobriété gardent toujours comme horizon que nous allons réaliser quelques efforts, temporaires, mais que bientôt une parade technologique nous permettra de retrouver l’abondance comme avant. Malheureusement, il n’existera pas de remèdes technologiques : ces solutions sont construites pour maintenir notre mode de vie, profondément destructeur, qui provoque le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. La seule solution qui s’offre à nous est donc de penser nos modes de vie non plus à partir de nos intentions, mais à partir des limites planétaires."

Se basant sur les recherches du Stockholm Resilience Center, en collaboration avec d’autres scientifiques, qui ont modélisé les neuf limites planétaires du système Terre, augmenté de nombreuses autres données, études ou actualités, l'auteur invite à explorer quelques pistes d’amélioration possibles et en appelle à une réelle politisation de l’écologie.

POLITIQUES DE SOBRIETE - Bruno Villalba - Editions Le Pommier - 2023

 

ANTI-BULLSHIT, quand les mots n'ont plus de sens

Bullshit signifie littéralement "merdre de taureau". Si l'étymologie du terme prête à sourire, ne passe pas inaperçu tant à la vue qu'à l'odorat, c'est tout le contraire pour la version du terme qu'étudie le livre d'Elodie Mielczareck : caché, insidieux, destructeur. Car les fake news, storytelling, langue de bois, mots zombies, discours creux participent au désenchantement du monde. Tout comme la frontière entre le Réel, la Vérité et le Mensonge qui s'amenuise...

Elodie Laye Mielczareck est consultante, conférencière et auteure (Déjouez les manipulateurs, Nouveau Monde, 2016; La Stratégie du caméléon, Cherche-Midi, 2019, Courrier du Livre, 2021). Son dernier ouvrage, Anti Bullshit (Editions Eyrolles, 2021) s'intéresse aux phénomènes sémantiques de la post-vérité. Produit par les entreprises, la communication, les politiques... mais aussi par tout un chacun, le bullshit est omniprésent et paradoxalement, parfois difficile à déceler.

Par exemple, aux Etats-Unis, depuis l'élection de Donal Trump, on parle de "faits alternatifs" pour qualifier les déclarations de l'ancien Président et de son clan. Et pourtant, ne s'agit-il pas le plus souvent de mensonges totalement assumés ? 

Alors, pour nous aider à démêler le vrai du faux et nous apprendre à déchiffrer les codes, l'auteure nous propose une vingtaine d'études de cas concrets, des schémas, des résumés mais aussi de nombreuses références scientifiques ou philosophiques. " Le sens ne se construit pas, il se révèle".

On s'interroge à tour de rôle sur les expressions "pouvoir d'achat ressenti", "distanciation sociale " (et non physique ) ou sur le passage de "vidéo surveillance" à "vidéo protection". Si certains paragraphes nous font sourire parce qu'on est nous aussi tombés dans le piège, d'autres nous force à l'introspection. Serions-nous aussi des véhicules du bullshit ?

Certes, il ne s'agit pas là d'une lecture de plage, mais d'un véritable outil de déprogrammation du cerveau pour voir ce que nous ne voyons plus et savoir se rendre de nouveau attentif à tout ce que convoque en nous, un simple mot.

En conclusion, nous avons retenu la citation d'Albert Camus qui ouvre le premier chapitre du livre : "Mal nommer un objet, c'est ajouter aux malheurs de ce monde".

 

AntiBullshit d'Elodie Mielczareck - Editions Eyrolles - 2021

TRANSITION ENERGETIQUE INNOVANTE EN 10 CAS D'ENTREPRISE

C'est un ouvrage comme on en voit peu : un vrai outil professionnel, technique et précis qui nous parle d'innovation et d'initiatives en matière de transition énergétique, le tout très bien servi par une écriture claire, des schémas et surtout, illustré d'exemples réels.

Ces exemples nous détaillent par le menu les stratégies et réalisations opérationnelles d'entreprises pas forcément connues du grand public mais dont la transition et les efforts sont bien réels : Atlantech (Comment peut-on structurer une intégration systémique de la transition énergétique à l’échelle d’un quartier), Luzo (Comment élaborer un projet énergétique intégré autour du développement d’une filière hydrogène à La Rochelle ?), Watway (Comment concevoir et déployer une innovation au service de la transition énergétique), Spie batignolles (Comment peut-on développer des collaborations autour d’innovations ouvertes au sein d’un écosystème d’acteurs qui doivent modifier collectivement leurs comportements), Boralex (Comment intégrer la question de l’acceptabilité sociale dans les projets EnR au niveau des territoires), Montfermeil (Comment accompagner un territoire vers la performance globale  ? De la RSE à la RST), Eraole (Comment concilier énergie propre, vol longue durée et intérêt commercial ), Avatar (Comment développer une innovation technologique « frugale » pour apporter une solution de mobilité quotidienne grand public avec faible impact environnemental), Eigsi (Comment peut-on mettre les acquis des étudiants ingénieurs au service de l’accompagnement des communes en quête de transition énergétique) et UlcOpenSpace (comment déployer des innovations de sens au sein d’un écosystème universitaire qui répondent à la fois à des enjeux de transition énergétique et pédagogique).

Les auteurs nous montrent à quel point l'innovation responsable est protéiforme, et combien elle dépasse le pré carré des ingénieurs pour engager toutes les parties prenantes de l'entreprise,  Les cas proposés ont tous été identifiés dans le cadre des sélections pour les «  Trophées de l'innovation territoriale E5T  » et ont été retenu pour leurs critères d’efficacité, de faisabilité, d’impact et de territorialité (https://www.e5t.fr/post/deposez-votre-projet).
Ce livre est également collaboratif dans sa construction, dans le sens où il s’agit d’une co-écriture entre des chercheurs et les acteurs de chaque cas : Eric Verdier, maitre de conférences et directeur de la chaire CERi à l'ISCID CO, Vincent Helfrich, professeur à l'ESCA et chercheur, L'Hocine Houanti, professeur associé à l'Ecole de Management de Normandie et chercheur au Metis Lab, Eric Vernier, directeur général de l'ISCID COet chercheur à l'IRIS.

Un ouvrage pour les passionnés et tous ceux qui veulent réellement passer à l'action au sein de leur entreprise.

Pratiquer une transition Energétique Innovante en 10 cas d'Entreprises - aux Editions DUNOD - 2022