NO FAKE

NO FAKE

« Un monde qui sonne trop vrai », c'est sur ces mots que s'ouvre le livre de Jean-Laurent CASSELY au sein d'une introduction consacrée à la quête d’authenticité et la méfiance vis-à-vis du "fake" qui s'y immisce. « À force d’avoir fui un monde que nous considérons comme inauthentique, nous avons créé un monde de « l’hyper vrai » qui prend souvent l’allure d’un nouveau stade de faux. »

Dans la première partie, l'auteur explore ce qu'il appelle la "non France" et "l’Hyper France", une sorte de faux français, particulièrement visible dans le secteur de la restauration (cafés, bars, restaurants) qui jouent à être la France. Ces établissements ont perdu leur réelle authenticité en voulant devenir authentiques alors qu’ils l’étaient sans doute avant, sans forcément le savoir. Ce phénomène rejoint la tendance à la déshumanisation (tant des lieux que des employés) observée dans les grandes chaines franchisées. Cette quête constante d’authenticité sonne de plus en plus faux, surtout face à la montée en gamme des quartiers "hyper français", que l’auteur appellent "les pure player du faux" (= un établissement qui a fait l’objet d’un vieillissement accéléré : il est livré usagé)

Pour résumer, l'équation du fake ressemblerait donc à celle-ci :

(Français + vintage + populaire) x (montée gamme + digital) = Hyper France

Jean-Laurent CASSELY explore plus particulièrement les années 80’s-2000, ère de basculement dans la globalisation qui ont vu se construire un monde plus homogène et normalisé. Dans cette seconde partie, il démontre comment la France a pris ce tournant en devenant la « France générique ». Tout se réplique, tout devient uniforme: nous sommes devenus le pays de la franchise, nous nous sommes « macdonalisé », dans une sorte de « The Truman Show à la française ».

Pour finir, l'auteur s’attarde sur la figure du hipster, dont les lieux de vie et le rapport au monde, marqués par l’obsession de l’authenticité, sont une réponse aux années génériques. Il évoque la notion de l’« Airspace » autrement dit « un lieu qui n’est situé nulle part, qui flotte dans les airs et qui se propage autant dans l’espace physique qu’à travers les réseaux dématérialisés ». Ces hipsters sont devenus des « hyper gens », plus vrais que les vrais gens. Il définit la culture hipster comme "une tentative de concilier le mode de vie cosmopolite qui est le propre des grandes villes de la globalisation, avec une affirmation culturelle très forte et très localisée, une sorte de folklore imaginaire et bricolé, dont l’authenticité serait le mot sésame".

En bref, ce livre au style très agréable à lire, aborde frontalement la question de l'identité française. Qu’est-ce qu’est l’authenticité à la française et pour les français ? Ce qui est authentique aujourd’hui ne le sera pas forcément demain et inversement. Il nous donne à réfléchir sur la notion du vrai, ce qui est vraiment authentique et pourquoi ça l’est. Dans un monde où tout va trop vite et où le fake devient le vrai, ce livre est une pause de réflexion sur le temps, entre modernité et authenticité.

NO FAKE: Contre-histoire de notre quête d'authenticité, de Jean-Laurent CASSELY, paru aux étudions ARKHE, 2019.